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ZSEFT- ZUNDAPP
1 janvier 2016

Expédition africaine en KS750

Si vous êtes lecteur de Moto Revue Classic, vous aurez lu dans le n° de janvier/février 2016, l'article consacré aux expéditions des frères Latullaye, voyages lointains réalisés avec des side-cars contemporains très inspirés des anciens Zündapp KS750 et Bmw R75 de la Wehrmacht...Dans le même style voici quelques lignes sur une expédition beaucoup plus ancienne réalisée avec des KS750. 

Encore un sujet sur les grosses Zündapp de Nuremberg...

Heh...oui car c'est un document que Marc Sbrana m'a transmis avec l'article de Nice-Matin que nous avons publié lors d'un précédent message ( Une KS750 à 250frs ). Le prochain article reviendra à nos petits 2 temps.

Titre1

Cet article a été publié dans la revue "Auto-Moto" de janvier 1986, je vous reproduis l'article dans sa totalité, le raid en question dura 11 mois en 1954/1955.

 

Un technicien baroudeur

(Préambule de la main d'un journaliste d'Auto-Moto)

C'est après avoir organisé des raids dans le Sud algérien que Claude Mahé prit l'initiative d'organiser un voyage plus complexe: qui était à la fois un raid motocycliste (Paris-Morovia et retour, 25 000 kilomètres) et une expédition scientifique: la Première Expédition du fleuve Cavally (ce fleuve coule à la frontière du-Liberia et.de la Côte-d'Ivoire), qui fait l'objet de cet article.

Carte provenant du livre de Claude Mahé:"Au Libéria" éditions du Soleil Levant/1958

ItineraireLiberia

Aucun véhicule n'avait tenté la traversée de la forêt du Liberia. Ce voyage dura presque onze mois, d'octobre 1954 à fin septembre 1955. Par contre, la Seconde Expédition du fleuve Cavally, en 1956-1957, organisée également par Claude Mahé, ne fut pas effectuée avec des véhicules motorisés, mais à pied et en pirogue, à travers cette même forêt de Côte-d'Ivoire et du Liberia. Claude Mahé était accompagné de trois Européens et l'équipe était soutenue par six porteurs africains.

Le but était de tourner un film sur le fétichisme dans une des tribus de cette 
région: ClaudeMahé en rapporta donc "Le Masque sort à l'aube", qui relate les mœurs des Guérés de l'ouest de la Côte-d'Ivoire et des Ghios du Liberia.

Ce film fut projeté 2 400 fois lors de conférences à travers la France dans.les années cinquante et soixante.

Les autres voyages de Claude Mahé, qui est aussi l'auteur d'un livre sur le Liberia, avaient  également un objectif cinématographique ou scientifique et ne comportaient pas l'utilisation de véhicules motorisés (volcans des iles Canaries; république populaire de Chine; Mexique, du nord au sud, chez les Tarahumaras et les Lancandones) .

RETRO-RAID EN AFRIQUE / 1954-1955

par CLAUDE MAHE (rédigé fin 1985) 

Deux énormes side-cars. Ou plu­tôt, deux caisses purement rec­tangulaires de deux mètres de long et cinquante centimètres de large, d'une contenance d'un de­mi-mètre cube. Le tout, peint en jaune criard, façon PTT.

La marque? Zündapp, made in Germany, type libye, modifié Russie.

Le moteur? 750 cm', huit vitesses, ou plutôt quatre vitesses démultipliées et une marche arrière, plus un blocage de différen­tiel. La transmission était à cardan.

Le filtre à ­air, très efficace pour traverser le Sahara ou les boues de la forêt, était celui des Harley­Davidson de l'US Army. Celui des Zündapp ne nous paraissait pas suffisant.

Photo5NetBlc

IL Y AVAIT FOULE. ... A l'origine, sur ces Zündapp comme sur les BMW R 75 type Russie qui leur ressemblaient comme des ju­melles, était montée une caisse de side-car assez réussie, prévue pour recevoir un mitrail­leur et ses munitions. La mitrailleuse était montée sur le side lui-même. Ce sont ces caisses noires que nous avions enlevées et remplacées par une sorte de conteneur avec un couvercle à glissière, sur lequel prenaient place des pneus de rechange, une cantine et un treuil à main Tirfor d'une efficacité remarquable. Nous l'avons usé à force de nous en servir !

Le tout pesait environ une tonne, la ma­chine elle-même avec sa caisse d'origine pe­sant environ 450 kilos. Nous emportions cha­cun cinq jerricanes d'essence (en plus des 24 litres de chaque réservoir, le plein), 100 litres d'eau potable, 100 kilos d'un outillage varié et efficace, 150 kilos de pièces de rechange, des vêtements, du matériel de recherche, du matériel photographique.

Sans compter une machine à écrire, car nous étions équipés (le mot « sponsor» n'existait pas alors et ce phénomène n'avait pas l'ampleur qu'il a prise aujourd'hui) par trente-deux marque françaises et étrangères et étions en relation avec deux ministères.

Il fallait correspondre avec tout ce monde, envoyer des lettres, des rapports, un véritable courrier d'entreprise que je tapais la nuit, après l'étape, quand mon camarade Ciret, généralement épuisé par une étape pénible et les travaux de répa­ration ou de soudure, dormait du sommeil du juste, suspendu dans son hamac tendu entre les deux machines ! 

Le 30 octobre 1954, cela fait donc une bonne trentaine d'années, il y avait foule devant l'ambassade du Liberia à Paris, place Malesherbes (l'actuelle place du Général Catroux).

Dans cette foule, tout le "gratin" motocycliste: les Monneret, vedettes de l'époque en compétition, Gabriel Cantalice président du Moto-club châtillonnais, le plus important de France avec ses huit cents adhérents et son activité débordante, les représentants de Moto-Revue et de Motocycles dirigé, par le sportif Max Enders.

La télévision, qui n'en était qu'à sa phase expérimentale, était absente, mais toutes les radios nationales étaient là. Bien entendu, le personnel de l'ambassade du Libëria était présent, et puis quelques policiers pour le service d'ordre.

Il ne s'agissait pas, d'un rallye, mais d'une expédition scientifico-mécanique: le ministère de la Défense et celui des PTT étaient intéressés à "'affaire " ... La première étape n'était pas bien lointaine: Orléans. Les mo­tards du Moto-club orléanais étaient venus à Paris pour nous accompagner jusque chez eux. Puis ce fut la traversée de la France, de l'Espagne, le détroit de Gibraltar, puis le Maroc avant d'atteindre l'aventure et les sables sahariens. 

NOSTALGIE. Les vieux motards se sou­viendront. Ceux qui, pendant et aussitôt après la Seconde Guerre mondiale, s'enthou­siasmèrent pour les «monstres» de l'époque: les René-Gillet de la police, de la gendarme­rie et de l'armée française, les Indians, bicy­lindres en V, 750, 1.000cc, 1.300cc, les Harley-Davidson rescapées de la guerre civile d'Espagne ou, plus récentes, celles de la der­nière guerre, la 750cc des hommes de troupe, l'autre 750, mieux carrossée, avec quelques gadgets, réservée aux officiers, et puis les 1.000cc et 1.200cc, les BMW R 75 avec side-car et les Zündapp type Libye, mo­difié Russie, d'une cylindrée de 750cc, avec le même modèle de side-car que le nôtre.


Mais si les BMW étaient relativement bien au point, les Zündapp (nous nous en aperçûmes à l'usage) ne l'étaient pas.

La cause ? Les campagnes sahariennes de Libye, pour lesquelles ces machines avaient été prévues, à peine terminées, les soldats allemands qui les utilisaient se retrouvèrent en Russie, dès juin 1941, avec ces mêmes engins. (Note du Zseft: grosse erreur de Claude MAHE, les allemands de Libye capitulèrent et finirent la guerre dans les camps de prisonniers américains avant de retourner au pays ce qui ne fut pas le cas de leurs infortunés collègues du front russe).

S'ils pou­vaient, à l'occasion, convenir dans les steppes et les déserts russes, ils « renâclaient» sérieu­sement sur. ces mêmes steppes lorsqu'elles étaient recouvertes de neige et de glace. Rien n'était approprié: ni le carburateur, ni le filtre à air, ni même le métal des pièces du moteur.

C'est seulement au cinéma qu'on voit les Allemands évoluer,dessus comme des gamins de seize ans sur une mobylette! Mais la réa­lité était bien différente.


Le Paris-Dakar n'existait pas et nous nous proposions de faire mieux, ou tout au moins beaucoup- plus dur et plus risqué, car nous n'avions aucun accompagnement, pas de ca­mion-suiveur bien sûr, ni même de radio. Il nous fallait prévoir, dans certaines zones, d'être isolés deux mois en vivant par nous ­mêmes, car l'extrémité sud du raid devait nous amener jusqu'à la grande forêt du Libe­ria, qu'il s'agissait de traverser avec nos en­gins alors qu'aucune mécanique ne l'avait encore« violée ». Une gageure, bien  sûr ! Les critiques et les encouragements à l'abandon ne manquèrent pas avant le départ et en cours de route: au plus .profond de la «détresse», qui parfois ne manqua pas de nous atteindre, nous nous disions que tous ces gens avaient bien raison (mais nous ne leur avons jamais avoué à notre retour, bien sûr !). 

C'était l'époque des raids individuels et réellement personnalisés. De Langlade, grand motard autant que vigneron du Sauternais, revenait d'un spectaculaire Alger-Le Cap sur sa BMW; Brel - pas le chanteur qui, d'ailleurs, devint notre ami, mais son frère Pierre, industriel à Bruxelles - venait  d'accomplir avec son épouse et le couple Hellebuyck une sorte de raid semi-suicidaire Bruxelles-Zaïre (l'ex-Congo belge, puis Congo-Kinshasa) et retour, sur deux side-cars Harley-Davidson. Heureusement, les Fla­mandes sont de fortes et maîtresses femmes ! Il le fallait pour pousser et désensabler les 1.000 kilos que pesait chaque attelage!


SPECTACULAIRE! J'entretenais personnellement des relations avec l'administra­tion coloniale de l'époque, mais aussi avec de : nombreux chefs coutumiers africains, dont je connaissais les coutumes et le mode de vie, et je décidai, à ce moment, avec Guy Ciret, mécanicien de précision aux PTT, mais aussi excellent metteur au point automobile, de monter une expédition spectaculaire qui nous emmènerait plus loin que les précédentes (nous avions déjà tâté du Sahara en plein été). Cette fois, trente-deux marques fran­çaises à nouveau, mais aussi l'Américain Fi­restone, participaient à notre équipement, qui comportait tout ce dont nous avions besoin,
et plus encore.

Photo3NetBlc

Les machines, loin d'être neuves, mais en bon état, furent refaites. en partie par nos soins, en partie par l'agent Zündapp de Stut­tgart, à nos frais. Les fameuses caisses de side furent soudées chez-Métalcarc à Villeneuve-­la-Garenne. Nous avions même un lance ­flammes qu'un ancien militaire, conducteur de char démobilisé, avait inventé pour un usage agricole et dont il avait tenu à nous munir. Mais surtout, ô surtout...les sociétés Shell de France et d'Afrique fournissaient le carburant!

C'était le plus gros morceau de notre budget, l'essence de ces 25.000 kilomètres dont certains comptaient double, triple et même, dans certains cas, dix fois 10 plus! Nous consommâmes jusqu'à 25 litres aux 100 dans la boue de la forêt alors que toutes ces machines étaient prévues pour une moyenne de 6 litres.

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Le premier véritable obstacle se dressa devant nous dans le Sud marocain, sur les bords de l'oued Draa en crue. Par temps sec, il est traversé par un radier en ciment d'environ un kilomètre de large. Aucun problème. Mais en novembre 1954, des pluies violentes (qui seraient les bienvenues aujourd'hui) faisaient déborder l'oued sur sept kilomètres. Infranchissable pour des véhicules lourds, à plus forte raison pour des side-cars ! Nous dûmes attendre dix jours que l'oued veuille bien baisser. Des familles nomades de chameliers avaient été emportées, noyées dans le cours de ce géant en colère.

Photo4NetBlc

Ensuite, nous traînâmes deux mois dans le Sahara, entre Tindouf et Saint-Louis-du­-Sénégal, sur les pistes et hors des pistes, pour mener à bien une « mission» géo-ethno­-touristique que nous avait confiée la Shell française. Il s'agissait de dresser le catalogue des ressources touristiques et géographiques de cette région qui constitue la partie la plus exotique du Sahara! Elle est maintenant aux mains des Sahraouis. 

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Dans le sable ordinaire, c'est-à-dire sur l'erg, puis dans la hamada et les sables blancs de la basse Mauritanie, nos machines se comportèrent très bien. fi est vrai que nous nous arrangions pour ne pas franchir directement les dunes, comme on le voit faire au cinéma et dans les prises de vues du Paris-­Dakar! Pourquoi passer sur une dune alors qu'il est généralement facile de l'éviter en cherchant son chemin à quelques centaines de mètres ou à quelques kilomètres de là ?

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Les rallymen sont pressés! Mais l'Afrique et, surtout, le Sahara ne sont pas faits pour les gens pressés. fis demandent qu'on les «goûte », qu'on en savoure les difficultés et qu'on apprenne à les connaître. Alors, il se "civilisent". Ce n'est pas en quelques se­maines qu'on peut apprendre à connaître les astuces sahariennes!


PISTONS EN BOIS. Arrivés à Dakar, nous fûmes fêtés par le Moto-club local; mais le moteur de Ciret était "bouffé" par le sable tant nous avions traîné sur les sables blancs de la basse Mauritanie! Il était prudent de le refaire alors que nous étions hébergés chez un ami, Carlos, un fin mécanicien spécialisé dans la moto et la voiture de sport. Il avait mis son atelier, Dakar-Motos, à notre disposition. Nous utilisâmes ainsi les deux pistons de re­change que nous avions emportés.

Photo8NetBlc

Plus tard, quand, traversant la Guinée, nous attei­gnîmes une belle forêt dont certaines parties étaient encore absolument intactes, nos ma­chines qui avaient chauffé outrageusement tombèrent en panne. C'était grave. Le démontage du moteur s'imposait.... pour dé­couvrir enfin qu'un piston était fendu, en haut, sur la surface où se produit l'explo­sion. Il n'y avait plus de compression de ce côté. Quelques kilomètres de plus et le piston aurait pu exploser! 

Que faire? Nous n'avions plus de piston d'origine. Mon camarade Ciret, toujours as­tucieux, me dit qu'il avait connu quelqu'un en France qui avait mis un cylindre tourné dans du bois de buis sur une voiture!

Il choisit un morceau de bois d'azobé, un bois rouge par­mi les plus durs d'Afrique, à très forte den­sité. A la scie d'abord, à la râpe, puis à la lime, au papier de verre et à la toile fine d'émeri, il tailla... un piston aux normes exactes du nôtre!

Mais au moment de poser ce piston sur la bielle, il pensa que le moteur risquait fort d'être déséquilibré par l'uti­lisation de deux pistons aussi différents. Qu'à cela ne tienne! Grâce à une journée de plus de travail en pleine forêt, chaude, humide et obscure comme sait l'être la vraie forêt tropicale, et à un étau monté sur le porte-bagages, éclairé à la batterie, il fabriqua un second piston!

Photo1NetBlc

Nous finîmes dans la nuit, entourés de cris et grognements divers: à cette époque, la Guinée était encore riche de fauves, mais les animaux les plus dangereux étaient les ser­pents et, surtout, les moustiques ...

Les gorges des segments furent creusées à la gouge et les ­segments, récupérés sur le défunt piston, furent introduits dans ce piston en bois.

Le tout fut chauffé, brûlé, culotté au lance-flammes pour que le bois devienne très dur. Avant de remonter définitivement le moteur, nous avions fait tremper les, deux pistons en bois dans une boite pleine d'essence pendant une heure environ et monté des bougies neuves.


Qu'allait-il se produire? Au troisième ou quatrième coup de kick, le moteur toussa, l'allumage se produisait normalement, il eut deux ou trois spasmes et démarra! Nous l'arrêtâmes pour laisser les nouvelles pièces prendre place et les jeux s'amplifier.

Nous avions seize kilomètres à faire pour parvenir à Nzerékoré, sorte de "capitale" de la forêt sud-guinéenne où nous attendait impatiem­ment le consul du Liberia, prévenu depuis Paris de notre passage (il avait huit enfants, plusièurs épouses et... une énorme voiture américaine qui trônait, majestueuse et bien astiquée, devant son bungalow ... il n'y avait plus de moteur sous le capot.

Photo2NetBlc

Nos pistons en bois firent allègrement les seize kilomètres, à 40 ou 50 kmh, en qua­trième. Aussitôt dans la ville, nous comman­dâmes à Paris, par les moyens les plus ra­pides, un stock de pistons. Ils nous parvinrent dix-sept jours plus tard.

Heureusement que nous n'avions pas attendu! Pour  voir, nous démontâmes notre moteur, impatients de connaitre l'état des fameux pistons en azobé. Ils n'avaient souffert que modérément.


Quelque peu calcinée, une croûte s'était formée sur le dessus, plus ou moins pétrifiée, stabilisée; quant aux logements de l'axe du piston, ils avaient pris un jeu un peu trop important. Si nous avions dû continuer l'expérience, c'est de ce côté que serait venue l'agonie de chaque piston; et non de la calcination des surfaces. Les segments, eux, jouaient normalement dans leurs gorges avec, peut-être, un peu plus de jeu qu'il n'en fallait. 

Si nous y avions été obligés, nous aurions encore pu faire dix ou quinze kilomètres. Et, pourquoi pas, peut-être une centaine?


FOUILLE EN RÈGLE. Mais la pire aventure, bien qu'elle ne fût ni mécanique ni physique, nous attendait à la douane libé­rienne: une cabane en tôle, des douaniers ne connaissant pas un mot d'anglais ni de fran­çais - ni d'aucune autre langue occidentale - ignorant les, "recommandations"  dont nous étions munis, y compris celle de leur ambassadeur en poste à Paris, faisant preuve d'une méfiance féroce envers les Blancs, n'ayant jamais vu de moto et encore moins de side-car, et surtout pas un pareil attelage.

S'ils avaient su ce que je transportais! Non seulement j'avais des armes, déclarées, officiellement en transit, et qui pouvaient nous servir en brousse, mais, par prudence, sans doute aussi par déformation - j'avais participé à la dernière guerre et j'était encore mal "désintoxiqué" - nous possédions un stock de grenades, celles que j'avais ramenées de la guerre et conservées précieusement. Sait-on jamais?


Notre tonne de matériel, de bagages, d'outillage, de vivres fut fouillée intégralement (ou presque). Le tout, déballé sur la place centrale de ce village de brousse, au milieu de centaines d'enfants! Les grenades tenaient dans deux petits sacs que j'avais jetés sous un des sides. Au fur et à mesure qu'un douanier passait d'un côté du side, je donnais un petit coup de pied dans les sacs afin de les envoyer du côté opposé.

Cette fouille dura une jour­née entière à tel point que nous eûmes bien envie de repasser la frontière et de ne jamais remettre les pieds dans un tel guêpier. Mais jamais, ni les douaniers ni les villageois gravi­tant autour des side-cars n'aperçurent les pe­tits sacs de grenades ... Ouf! 

Nous descendîmes jusqu'à Monrovia, la capitale. Là commençait la grande aventure: la traversée de la forêt, de cette brousse infranchissable, au-dessus de ces rivières sans pont. Il fallait absolument réussir sous peine de perdre la face et de décevoir tous ceux qui nous avaient aidés, équipés, nous avaient prêté du matériel et donné du carburant ..

Ceux qui, du fond de leur bureau parisien, suivaient dans les revues et par notre-courrier notre itinéraire et nos péripéties.

Que valait-il mieux? Souffrir à une douane, y être volé, humilié, ou bien souffrir physiquement, "dé­brousser" à la machette, mètre par mètre, pour avancer de cinquante mètres en une journée (c'est arrivé)? Abattre plusieurs arbres, les disposer en un pont sommaire ou en un radeau peu stable pour franchir une des innombrables rivières de cette zone pourrie d'humidité?

C'est dans un de ces passages que la caméra tomba à l'eau, dut être démon­tée, asséchée, réglée; mais elle ne tourna plus jamais normalement! 

C'est là que nous découvrîmes une Afri­que que nous ne connaissions pas encore, L'Afrique de la grande forêt, à l'époque en­core «primaire» en bien des endroits et qui n'a rien de commun avec l'Afrique de la savane, moins encore avec l'Afrique sèche et sahélienne!

Il doit bien rester quelques Afri­cains forestiers qui parlent encore de nous. De ces curieuses «voitures» qui n'avaient que trois roues, ce qui les surprenait toujours et les inquiétait.  Au pays du Niamou (le diable de la forêt), cela avait effectivement, quelque chose de diabolique! En tout cas, je me souviens de cette Afrique-là comme si c'était hier.


Nous rentrâmes à Paris, fêtés par des cen­taines de motards. Guy Ciret, ce technicien remarquable et hors ligne, avait horreur de la vitesse.  Il fut tué en octobre 1981 par un dingue de la vitesse, qui coupa, ou presque, sa voiture en deux, sur une « belle» route de France.

Le passage de douanes hostiles, les pistes dégradées et la boue de la forêt sont peu de choses à côté de l'irresponsabilité de certains fous.

Claude MAHE pour Auto-Moto 

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Un technicien baroudeur

 (Conclusion de la main d'un journaliste d'Auto-Moto)


C'est après avoir organisé des raids dans le Sud algérien que Claude Mahé prit l'initiative d'organiser un voyage plus complexe: qui était à la fois un raid motocycliste (Paris-Morovia et retour, 25.000 kilomètres) et une expédition scientifique: la Première Expédition du fleuve Cavally (ce fleuve coule à la frontière du-Liberia et.de la Côte-d'Ivoire), qui fait l'objet de cet article.

Aucun véhicule n'avait tenté la traversée de la forêt du Liberia. Ce voyage dura presque onze mois, d'octobre 1954 à fin septembre 1955. Par contre, la Seconde Expédition du fleuve Cavally, en 1956-1957, organisée également par Claude Mahé, ne fut pas effectuée avec des véhicules motorisés, mais à pied et en pirogue, à travers cette même forêt de Côte-d'Ivoire et du Liberia. Claude Mahé était accompagné de trois Européens et l'équipe était soutenue par six porteurs africains.

Le but était de tourner un film sur le fétichisme dans une des tribus de cette
région: Claude Mahé en rapporta donc "Le Masque sort à l'aube", qui relate les mœurs des Guérés de l'ouest de la Côte-d'Ivoire et des Ghios du Liberia.

Ce film fut projeté 2.400 fois lors de conférences à travers la France dans les années cinquante et soixante.

Les autres voyages de Claude Mahé, qui est aussi l'auteur d'un livre sur le Liberia, avaient  également un objectif cinématographique ou scientifique et ne comportaient pas l'utilisation de véhicules motorisés (volcans des iles Canaries; république populaire de Chine; Mexique, du nord au sud, chez les Tarahumaras et les Lancandones).

 

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Un petit commentaire du Zseft

Suite à ces deux expéditions Claude Mahé produisit un petit livre : "Au Libéria" éditions du Soleil Levant/1958, il se trouve facilement sur Internet.

Le sujet de ce livre était le "Libéria" avec de nombreuses informations et anecdotes sur cet étrange pays, à l'époque le seul pays indépendant d'Afrique noire, mais peu sur l'épopée mécaniques.

PMG

LivresAuLiberia

 

 

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Commentaires
F
J'ai en effet lu cet article dans Chroniques moto il y a une vingtaine d'années (merci Jacques, je ne me souvenais plus où j'avais lu ça !). Quel récit et quelle épopée !<br /> <br /> Bonne année au Zseft !<br /> <br /> Franck.
Répondre
J
salut a tous et bonne année j'aimerai me photocopier le récit mais je n'y parvient pas<br /> <br /> qui peux m'aider ?<br /> <br /> Ou existe t-il en livre ?<br /> <br /> a+ jm
Répondre
J
Bonjour <br /> <br /> Un autre article assez complet sur cette expédition a été publié dans la défunte revue Chronique Moto au début des années 90.<br /> <br /> Je peux en faire un scan éventuellement.<br /> <br /> Magnifique aventure.<br /> <br /> Félicitations pour ce blog toujours intéressant que suis attentivement.<br /> <br /> <br /> <br /> Une bonne année 2016 à tous.<br /> <br /> <br /> <br /> Jacques.
Répondre
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