Les Leichtkrafträder de 1981, le grand désastre...
Les Leichtkrafträder de 1981!!
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Dans notre précédent article, "Les Kleinkrafträder à l'assaut du marché allemand", nous avons vu que les firmes allemandes avaient eu une maîtrise totale de ce marché des 50cc rapides avec des mécaniques très adaptées.
L'année 1981 connaîtra en RFA la disparition de la catégorie "Kleinkraftrad/petite moto"(50cc non limité), et son remplacement par la catégorie "Leichtkraftrad/moto légère / 80cc limité à 80km/h" (en France la limitation des 80cc fut fixée à 75/km/h).
La firme Zündapp produisit successivement une série de 80cc pour essayer de conserver la place qui était la sienne dans l'ancien marché des "KS50".
Ci-dessus le beau mais très cher KS80 Super, il fut difficile à vendre en Allemagne comme en France. Et ci-dessous l'Hercules 80cc équivalent...
Pour Kreidler voici le Florett 80cc "new look", cette photo provient du site "kreidler-museum.de".
En France, cet alignement des législations franco-allemandes va se faire au détriment des MTL/125cc qui deviendront pour quelques années des 80cc, il aurait pu présenter une opportunité pour les firmes allemandes mais les conséquences sur un marché déjà aux mains des japonais, furent minimes....
Mais en RFA, ce bridage très important, 80km/h pour 80cc, va avoir un effet très pervers pour la production allemande.
Alors que jusqu'en 1980 les 50cc 2 temps poussés à 6,25ch / 90km/h des firmes allemandes étaient intouchables, la situation sera très différente avec cette nouvelle catégorie des 80cc.
Les firmes étrangères ayant déjà en catalogue des motos et scooters de 80cc à "bas prix", ils vont s'attribuer instantanément ce nouveau marché.....
Début 1984 les chiffres étaient publiés pour les années 81/82 et 83.....à leur lecture on comprend que la situation était critique......!!!
Ci dessous une traduction partiel du texte qui accompagnait ces chiffres, merci à Franck pour son aide :
Les assurances, jusque là abordables, ont dû être augmentées de pas moins de 100 % face aux chiffres catastrophiques des accidents. Des accidents dus à une jeunesse particulièrement déraisonnable. De même, les 80 étant très prisés des voleurs, et les pièces de rechange chères, le montant des primes en « tous risques » a explosé. Ceci a eu des répercussions terribles sur le marché. Après l’année record de 1982, quasiment tous les constructeurs ont subi de lourdes pertes. Cela laisse présager d’une chute d’encore 20 à 30 % pour l’année 1984. Seul Yamaha s’en tire (avec le succès des DT, RD80LC et les économiques enduros MX/S) et détrône Honda pour la première fois. Les deux japonais détiennent à eux seuls plus de 70 % des ventes. Pour la sécurité sur les routes ce devrait être les Mokick qui avec leur 40 km/h de vitesse max, devraient endiguer le fléau des accidents, espérons le.
Depuis la mise en place de cette nouvelle catégorie les résultats des 2 premières firmes allemandes Zündapp et Hercules sont catastrophiques, dans cette catégorie Zündapp avec ses petites motos de 80cc beaucoup trop chères fait même moins bien que Vespa avec ses scooters 80cc!!!
Le classement de 1983 des 80cc était le suivant :
1er Honda/ 36.000 machines
2ème Yamaha /35.400, 4ème Vespa /10.900, 3ème Zündapp/8.000
et 4ème Hercules avec 7.200 (dont 1.463 scooter Yamaha)..
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Quelques causes possibles à cette catastrophe...
- Les prix !
Dans la précédente catégorie des 50cc rapides les japonais disposaient aussi de produits économiquement compétitifs, mais les différents tests et comparatifs publiés dans les années 60 et 70 par les revues allemandes d'époque nous montrent bien que les 50cc les plus prisés par les jeunes étaient ceux des marques germaniques : Zündapp, Kreidler, Hercules, Puch.
A la fin des années 1970 la situation devient plus difficile Suzuki et surtout Yamaha produisent des 50cc performants et 1.000 DM moins chers que les allemands!
Voir notre article: "Le grand test des 50cc de 1978"
Dans cette nouvelles catégorie des 80cc, les succès de Honda et de Yamaha sont bâtis sur des modèles 80cc (2 temps) qui étaient les meilleurs marché de leurs gammes.
Les Honda MBX80 et Yamaha RD80MX étaient à ce moment 1.500 DM moins chers que les 80cc allemands.
- Les scooters automatiques !
Au début de ces années 1980, par le biais de cette nouvelle législation "80cc" Honda comme Yamaha vont bénéficier du retour à la mode du scooter, amplifié par le fait que ces nouveaux scooters japonais sont "automatiques", cela favorisera l'accés à ces engins à une clientèle plus large.
Pour Honda et Yamaha ce sera les scooters Lead 80 et Belunga 80.
Devant les énormes ventes des scooters japonais dans cette nouvelle catégorie, la firme Hercules, dont les ventes de 80cc étaient assez faibles, décide de commercialiser le scooter Yamaha/Belunga sous sa marque avec la désignation City CV 80.
Pour l'année 1983 les ventes de cet Hercules CV80 furent seulement de 1.463, à signaler qu'une version "cyclomoteur / mockik" du scooter Yamaha fut aussi commercialisé par Hercules. Les ventes de ces Hercules/Yamaha se prolongèrent plusieurs années, puis à partir de 1993 les nouveaux scooters Hercules seront d'origine Peugeot.
- Un producteur italien de scooters (pas automatiques) très réactif !
Dans ce désastre le manque de scooter 80cc dans les gammes allemandes fut dramatique, des européens surent tirer les marrons du feu.......... (pour Zündapp voir notre post-scriptum)
Vespa/Piaggio se retrouva en 3ème position des 80cc derrière les japonais et surtout devant tous les 80cc allemands, alors qu'avec l'ancienne législation la présence de Vespa était beaucoup plus confidentielle sur le marché des "petites motos"allemandes......
Le moins que l'on puisse dire c'est que les italiens avaient réagit très vite en 1980, Piaggio n'a pas de 80cc dans sa gamme de scooter Vespa, pour 1981 la firme présente en Allemagne une version 80cc de son vieux PX125, le PX80 (à gauche), rapidement il sera rejoint par le nouveau modèle PK80 (à droite).
Ces scooters italiens ne sont pas encore automatiques mais avec ces modèles Piaggio peut essayer de prendre quelques parts de ce nouveau marché.....Et cela a bien fonctionné puisqu'il s'en vendra 11.094 pour cette première année 1981 alors que Zündapp, le n°1 allemand, ne vendra que 12.971 de ses 80cc.
Pour 1982/83 les ventes de Vespa 80cc passeront devant celles des 80cc Zündapp.
En 1982 Vespa= 14.884 soit 1.227 de plus que Zündapp et encore 10.904 Vespa en 1983 soit presque 3.000 de mieux que Zündapp!!
Suite du désastre....
Situation chez Zündapp....tout va mal!!
Le marché intérieur des firmes allemandes s'effondre, et certains marchés exports sont aussi dans un très mauvais états, le marché français représentait 7 à 8.000 Zündapp par an jusqu'en 1979 date à laquelle le gouvernement français décide l'interdiction de tout cyclomoteur à boite de vitesse.....
Ce marché français des cyclomoteurs à "boite" représentait presque 100% des Zündapp vendus en France.
Sachant que le total annuel des 80cc Zündapp vendu en Allemagne sera de 8.000 machines en 1983.... On se rend compte de l'importance qu'eurent ces 7.000 cyclomoteurs Zündapp vendus annuellement sur le marché français.
En 1983, c'est le marché des blocs moteurs 125cc vendus à Laverda qui disparaît, plusieurs milliers par an, la firme italienne remplaçant à ce moment sur ses 125cc le bloc Zündapp par un bloc "maison".
Face à la mévente de ses produits, entre 1981 et 1984, la firme Zündapp diminue ses effectives de 1500 à 750 employés.
Pour les quatre premiers mois de 1984, les ventes Zundapp de la catégorie Leichtkraftrad-80cc se sont effondrés à 2.200 pièces soit encore 30% de moins que les ventes des quatre premiers mois de 1983.
Dans ces années 1983/84 Zündapp va livrer des quantités colossales de pièces à Enfield (Inde), pièces qui permettront la fabrication de 50cc et 175cc pendant plusieurs années ( de1986 aux débuts des années 90). Est-ce que les fonds versés par Enfield sont bien revenus dans les comptes de Zündapp????
Voir notre aricle: "Les 175 Fury"
La dette cumulée de Zündapp représentait en 1984: 35 millions de DM, à ce moment les banques refusèrent tout prêt à la firme.
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FIN
Après ces trois premières années de mise en place de la nouvelle catégorie "Leichtkraftrad", de 1981 à 1984, les trois anciens leaders du marché allemand étaient en très mauvais état....
Pour Hercules filiale du puissant groupe Sachs il n'y eu pas de conséquence, par contre Kreidler fut repris dès 1983 par l'italien Garelli et pour Zündapp ce sera la faillite en août 1984, quelques semaines avant le salon de Cologne où la firme avait déjà réservé son stand...
Pour la suite de la faillite Zündapp, voir notre article:
"Le KS80 que personne n'a gagné"
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Post-Scriptum
Dans les années 1950, les scooters eurent en RFA comme en France un énorme succès, des firmes locales assemblèrent les scooters italiens Vespa et Lambretta, et de très nombreuses firmes allemandes eurent d'importants succès avec des dizaines de productions originales, Heinkel, Goggomobile, DKW, NSU, Hercules, Zündapp, Maïco, TWN et tant d'autres....
Au début des années 1960 avec l'ouverture du marché commun les Vespa et Lambretta italiens sont disponibles et bon marché, toutes les fabrications de scooter allemands s'arrêtent, 1963 pour le R200 d'Hercules (200cc) et 1964 pour le Bella de Zündapp (175 et 200cc).
En 1964, année de l'arrêt de production du scooter Bella, Zündapp va produire un nouveau scooter le R50, adapté à deux catégories de 50cc allemands très en vogue dans ces années 60, la catégorie cyclomoteur "mokick" et la catégorie "kleinkraftrad/petite moto".
Ces deux scooters, R50S et le R50, sont quasiment identiques et basés sur deux blocs ventilés: le trois vitesses à mains et le trois vitesses au pied.
Ces 2 scooters ne diffèrent que par leur commande des vitesses (main et pied) et leur puissance, et donc leur catégorie en Allemagne: cyclomoteur/2,6ch/40km/h pour le R50 et kleinkraftrad/5,3ch/65km/h pour le R50S.
Dans cette gamme des scooters Zündapp R50, la version cyclomoteur sera commercialisée jusqu'en 1983, alors que la vente de la version kleinkraftrad avait été arrêtée dès 1979 en RFA (peut être a-t-il été encore produit après 1979 pour d'autres marchés).
Il est regrettable qu'aucune version modernisée en 80cc du R50 ne fut produite pour correspondre à la nouvelle catégorie "Leichtkraftrad", d'autant qu'avec la standardisation des blocs Zündapp le nouveau bloc 80cc pouvait se monter sur les R50 en lieu et place du bloc 50cc, de nos jours des passionnés de R50 ont fait ce montage.
Mais comme les autres modèles de Zündapp des années 1980 un scooter 80cc aurait, de toute façon, été trop cher par rapport aux japonais et italiens.