Enfield face à la faillite de Zündapp
Nous avons déjà publié de nombreux articles sur les 175cc Fury, ces machines assemblées en Inde par la firme Enfield de 1985 à 1992, alors que la firme Zündapp avait disparue en 1983.
lien vers les articles : La Fury d'Enfield
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Dans cette série nous vous avions informé d'un article paru sur un site Indien se rapportant à l'effet nostalgie qui existe en Inde en relation avec cette "Zundapp Made in India"--> "Le souffle du passé"
Voici un nouvel article paru dans la presse "papier" indienne actuelle, qui évoque ce passé radieux".
Le titre de l'article
"Premier amour"
et le sous titre
"La Fury Enfield était quelque chose que beaucoup d'entre nous ne pourrons pas oublier"
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A part le côté anecdotique, le texte de cet article semble ne contenir aucune information nouvelle. Pour le lire cliquez sur la photo pour l'agrandir, c'est en anglais.
S'il n'y a que peu d'information dans cet article, je me suis dit que l'on pouvait peut être trouver maintenant sur Internet des articles de cette année 1984, époque où la firme Zündapp était déclarée en faillite alors qu'Enfield se préparait à démarrer sa nouvelle usine entièrement dédiée à la fabrication de Zündapp 50 et 175 à Ranipet, située à 120km à l'ouest de Chennai (ex Madras).
J'ai fait quelques recherches et j'ai trouvé ma fortune, avec ce premier article du:
Der Spiegel du 20 août 1984, soit exactement une semaine après l'annonce de la faillite de Zündapp.
Je ne lis pas l'allemand, mais par la magie de l'informatique on peut afficher notre dialecte sur l'écran, je vous en ai extrait les lignes les plus remarquables :
Après un début d'article où l'on fait la liste des déboires de la firme, réduction du personnel de 1500 (en 1981) à 730, mévente dramatique de la production, une dette de 35 millions de marks, etc... on trouve ces lignes:
"Cela signifiait que seuls les fabricants qui avaient une maison mère bien financée comme BMW ou les usines Hercules de Nuremberg appartenant au groupe Fichtel & Sachs pouvaient survivre. Les petits fabricants allemands familiaux étaient tombés au bord du chemin. Les entreprises familiales n'avaient pas du tout identifié les dangers des marchés hautement concurrentiels ou l'avait fait trop tard. Par exemple, il y a à peine deux ans, Zündapp a rejeté une offre de fusion avec Hercules de Nuremberg: le patron de Zündapp Neumeyer pensait qu'il pouvait redresser la situation".
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"Mr Neumeyer est maintenant prêt à céder son usine. Mais jusqu'à la fin de la semaine dernière, il n'y avait qu'un seul demandeur sérieux - le titulaire de licence indien de Zündapp, le groupe Enfield de Madras."
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"Le propriétaire de Zündapp, Mr Neumeyer, a déjà pris soin de lui et de sa famille: il y a deux ans, lorsque Zündapp a glissé dans le rouge pour la première fois, MrNeumeyer a divisé l'entreprise en une société d'exploitation et une société de gestion qui détenait la plupart des actifs de l'entreprise, tels que des bâtiments et des terrains."
Lire la totalité de l'article: Der Spiegel du 20/08/1984
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Un deuxième article paru deux mois plus tard dans le journal indien "IndiaToday"
Une interview hallucinante avec des informations totalement inédites, en 1984 la presse "moto" européenne ne lisait pas les journaux indiens. Le patron d'Enfield révélait à IndiaToday, quelques semaines après la faillite de Zündapp, qu'il était certain de reprendre l'usine de Munich à son compte!! En conservant seulement 200 ouvriers sur place il allait alimenter l'usine avec des productions "made in india"!!
"Lorsque des partenaires commerciaux font faillite, est-ce un revers ou une opportunité? Le constructeur de motos basé à Madras, Enfield India, le pense ainsi. Et en conséquence, il pourrait bien finir par gérer une usine de motocycles dans la lointaine Allemagne de l'Ouest.
Il y a deux ans, Enfield a signé un accord de collaboration avec Zundapp Werke Ltd de Munich pour la production de quatre nouveaux modèles de motocycles en Inde, allant d'un cyclomoteur de 50 cc à une motocyclette de 175 cc. Les porte-parole d'Enfield ont déclaré qu'ils savaient même à ce moment-là que Zundapp était en difficulté: les coûts de main-d'œuvre étaient élevés en Allemagne et les produits japonais rivaux étaient vendus jusqu'à 30% moins chers, et tôt ou tard, la crise allait se produire.
Mais Enfield a estimé que les robustes motos allemandes seraient mieux adaptées aux conditions routières difficiles de l'Inde que les produits japonais plus légers, et a quand même poursuivi sa collaboration.
Le mois dernier, la crise est arrivée - plus tôt que prévu. Zundapp s'est officiellement déclarée en faillite devant un tribunal ouest-allemand, qui a ensuite nommé un séquestre pour déterminer si l'usine devait être arrêtée, vendue ou rénovée pour être redémarrée.
Cette nouvelle a fait la une des journaux en Allemagne et en Inde, mais le président et directeur général d'Enfield, S. Viswanathan, est apparu totalement imperturbable et a parlé avec confiance de transformer le revers en opportunité commerciale.
D'une part, a-t-il déclaré, Enfield avait déjà assuré qu'il avait obtenu tout le soutien technique dont il avait besoin de Zundapp pour les conceptions, les dessins, les calendriers d'inspection, les spécifications des matériaux, les normes d'essai et surtout les composants pour tous ses nouveaux modèles."
Et 16 membres du personnel d'Enfield avaient déjà été formés par Zundapp bien avant la faillite. Si ces facteurs ont contribué à protéger les projets d'Enfield des retombées de la faillite de Zundapp, Viswanathan a déclaré qu'il espérait aller encore mieux, en déplaçant tout ou partie de l'usine de Zundapp en Inde.
Alternativement, il dirigera l'entreprise en Allemagne, en utilisant en partie des composants et des véhicules exportés depuis l'usine Enfield de Ranipet. Viswanathan a déclaré: "Nous n'avons pas décidé de la voie à suivre; nous gardons nos options ouvertes."
En fait, Enfield avait soumis sa proposition dès juillet, lorsque Zundapp avait donné pour la première fois son avis de fermeture éventuelle. Mais il y a eu deux offres concurrentes du Pakistan et de l'Iran, et aucune décision n'a été prise. Cependant, Enfield semble être le seul concurrent sérieux, essentiellement parce qu'il connaît le travail de Zundapp.
Face au problème, Viswanathan préférerait acquérir une partie des machines et équipements de Zundapp, il y voit deux avantages. Premièrement, Enfield obtiendra automatiquement une grande partie de la technologie pour une nouvelle moto de 80 cm3 et un cyclomoteur de 50 cm3 récemment mis au point par Zundapp et bien reçus sur le marché. Deuxièmement, cela contribuera à réduire considérablement le coût du doublement de la capacité de production prévue par Enfield.
Lire la suite avec le lien : IndiaToday du 31/10/1984
Dans cette partie de discours du "patron d'Enfield" on découvre qu'à ce moment les deux autres repreneurs potentiels seraient le Pakistan et l'Iran, au final la véritable bagarre se déroulera entre la Chine et l'Iran. "Et c'est la chine qui gagnera la partie pour un montant de 16 millions de DM"
Et pour finir, voici la conclusion avec un reportage du même Der Spiegel.
Affichez le en français, c'est très intéressant.
Soit 4 mois après le précédent article de IndiaToday où le patron d'Enfield était certain de faire l'affaire, voici que les chinois sont en train de démonter l'usine.
Je n'ai pas l'explication précise à la mise hors course d'Enfield, mais je vois deux causes, d'une part le montant de l'investissement necessaire alors qu'Enfield vennait déjà d'investir massivement pour l'achat à Zündapp des licences et des pièces ainsi que pour la construction de sa nouvelle usine de Ranipet.
Et d'autre part le calcul du patron S. Viswanathan était de reprendre dans un premier temps l'exploitation dans l'usine Zündapp de Munich avec 200 salariés, ce qui n'était pas possible car deux ans plus tôt avec l'arrivée des temps difficile Mr Neumeyer avait scindé l'affaire en deux: une société d'exploitation à son nom et l'ensemble des biens immobiliers au nom de membres de sa famille.
C'est la société d'exploitation Zündapp qui avait fait faillite et il fallait débarrasser les lieux ou payer un gros loyer à la famille. Comme nous pouvons en prendre connaissance dans cet article, deux pays, la Chine et l'Iran, s'affrontaient pour reprendre l'outils industriel et le savoir faire de Zündapp, le projet de ces deux concurrents étaient bien sur le projet démontage/remontage au pays, et il s'en est fallut de peu que ce soit l'Iran qui remporte la partie.
Ce type de projet ne pouvait pas convenir à Enfield qui venait de justement d'investir dans le montage de son usine Zündapp avec les licences et le savoir faire de Zündapp. Dans l'affaire Enfield la faillite de zündapp était malgré tout positive car cela l'a dispensé de payer les royalties annuelles dues à Zündapp pour l'exploitation de la licence.
Un dernier point, en fait le point capital, Enfield comme Zündapp étaient des entreprises familiales, est les règles de compabilité sont trictes pour ces entreprises, ce qui n'est pas le cas d'entreprises étatiques qui ont beaucoup de "privilèges".
A noter que la firme Enfield avait de la suite dans les idées puisqu'en 1988 elle a déposé en RFA la marque "Zündapp Enfield" et y a commercialisé les cyclomoteurs CS25 et CS50 produits à Ranipet. L'enregistrement de cette marque a ensuite été supprimé dix ans plus tard par la nouvelle direction de Royal Enfield.
A noter que le patron d'Enfield voyait comme adversaires le Pakistan et l'Iran, il a du être surpris par l'action foudroyante des chinois! Une action qui coûtât aux Chinois 16millions de DM (de 1985)!!
Lire la totalité de l'article:Der Spiegel du 18 /02/1985
A noter la comparaison faite par Der Spiegel entre le démontage de l'usine Zündapp de Munich et celui de l'usine de réfrigérateur Bauknecht de Saint Avold mise en faillite en 1982.
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Epilogue en Inde
Dans les années 1990 la famille Viswanathan propriétaire d'Enfield, vend la firme à "Eicher Group". Enfield/India se rend compte que depuis la disparition de la Royal Enfield Motors (anglaise), les droits sur ce nom pourrait être acheté par Enfield/India."Enfield" achète les droits et devient alors "Royal Enfield Motors". Le groupe Eicher a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'encourager la vente de la gamme "Zundapp" sur le marché indien.
Le 50cc Explorer (CS50) sera la deuxième moto, après la 175 Fury, à être retirée du marché.
Le 50cc Silver Plus (ZD40) a continué sa production pendant quelques années avant d'être enterré silencieusement et sans cérémonie.
Sous la direction du groupe Eicher, la Royal Enfield Motors décide de laisser le marché de la moto moderne (et bon marché) aux firmes licenciées des marques japonaises et de devenir un acteur de niche et de répondre seulement à ceux qui aimeront le style très "rétro" des "Bullet"(nombreux à l'export).
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Epilogue en Chine
Les Zundapp chinoises seront produites jusqu'au début des année 90.
Puis avec l'ouverture du pays aux marques étrangère ce sera Honda qui utilisera les machines outils Zündapp pour produire ses modèles.
Voici quelques lignes extraites d'un article du Chicago-Tribune du 11/07/1993
"Un porte-parole de Honda a déclaré que Honda prévoyait des ventes chinoises de motos de fabrication chinoise et japonaise de 680 000 en 1993, contre 610 000 en 1992 et 352 000 en 1991.
L'une des coentreprises, Tianjin-Zundapp Motorcycle Co., a été créée en avril 1993 et appartient à 34% à Honda et le reste à la ville de Tianjin. Elle prévoit de produire 20 000 motos en 1993."
On peut en déduire que dans sa période de production des motos Zündapp, 1984 à 1993, la Tianjin-Zundapp Motorcycle était propriété à 100% de la ville de Tianjin.
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Dans la série des articles dédiés aux Fury voir:
En 1985 un publicité présente la Fury
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FIN /PMG